Interview exclusive de « La’eeb», la mascotte de la coupe du monde
C’est au siège de la fédération qatarie de football que « La’eeb» nous reçoit en toute décontraction, accompagnée du président de la fédération, du ministre de l’information et des libertés, d’un officier des services de renseignement, d’un lieutenant de la police politique, d’un commandant de la police militaire, d’un général de l’armée de l’air, de l’amiral de la marine nationale et du bourreau en chef de la cellule de torture personnelle de l’émi… chacun étant accompagné de ses 3 gardes du corps, ses 5 femmes et de ses 15 serviteurs pakistanais.
A notre arrivée, La’eeb se lance dans une chorégraphie très rythmée en s’exclamant : « Soyez les bienvenus au Qatar ! C’est une joie de recevoir tous les supporters du monde entier ! Vive le football ! Vive la FIFA ! Vive le Qatar ! ». Alors qu’en s’asseyant son regard croise celui du bourreau, La’eeb se relève pour ajouter : « Et vive sa majesté toute puissante l’émir Al Thani ! »
Comment vous est venue cette vocation ?
Dans ma famille nous sommes mascottes de père en fils depuis des générations ! Mon père était très proche de Juanito, la mascotte mexicaine de 1970. Quand on l’a retrouvée morte empalée sur un cactus après la compétition, ça a été un déchirement. Le poste est très prisé, il y a beaucoup de jalousie dans le milieu.
A ce propos, une ONG prétend que 127 candidats au poste de mascotte seraient morts de fatigue lors d’un casting effectué sous le soleil en plein désert, qu’en est-il réellement ?
Il est normal que les autorités aient voulu s’assurer de la résistance de leur mascotte. Vous imaginez un bourreau tenter de me réanimer à coups de fouets après que je me sois évanouie lors de la remise de la coupe ? L’image serait désastreuse pour le Qatar.
Peut-on dire que le Qatar est un pays de football ?
Bien entendu ! Depuis l’attribution de la coupe du monde, chaque école dispose d’une cour climatisée dans laquelle les enfants ont l’obligation de jouer au foot à toutes les récréations.
Nous avons même créé un bidonville aux abords de Doha afin de dénicher la future star du ballon rond à l’instar de Pelé et Maradona. Toits en tôle ondulée, insalubrité, trafic de drogue, rien n’a été laissé au hasard.
Les femmes qataries sont-elles autorisées à jouer au foot ?
Le sport féminin a toute sa place au Qatar, malheureusement la pratique du football n’est pas adaptée au port de la burqa. De nombreuses femmes se sont blessées en se prenant les pieds dans le tissu, et la vision des filets des cages à travers le grillage de la burqa a provoqué de nombreuses crises d’épilepsie. Nous avons donc dû interdire la pratique du football aux femmes pour cause de santé publique.
Dernière question concernant les droits homosexuels. La communauté LGBT est-elle la bienvenue au Qatar ?
Vous voulez dire la communauté LGBTQIA+ ?! N’oubliez pas les queers, intersexes et asexuels tout de même ! Toute personne se réclamant de la communauté se verra remettre une étoile rose fluo à son arrivée. Ainsi nous pourrons les surveiller pour mieux les protéger. Afin d’éviter les insultes homophobes dans les stades, les chants de supporters seront interdits. Enfin, lors de la remise de la coupe, un sosie de Freddy Mercury entonnera « we are the champions ».
Je dois à présent vous quitter, je file à l’aéroport accueillir la délégation de la ligue des droits de l’homme.
Alors qu’en guise d’adieu la mascotte se lance dans une nouvelle chorégraphie sous un soleil de plomb, elle s’évanouit sur le trottoir. Les coups de fouet du bourreau personnel de l’émir n’arriveront pas à la ramener à la vie.
Article proposé par notre abonné Yann Constantieux.